Pourquoi le ski-roue ne se développe pas

28 Nov 2022 | Ski-roue | 14 commentaires

Sport génial pour ses pratiquants, étrange et séduisant pour les autres, le ski-roue peine à émerger. La France comptait pourtant environ 2,7 millions de pratiquants de ski de fond en 2016. Alors pourquoi cette situation ? Voici une tentative d’explication.

 Quiconque a déjà pratiqué le ski-roue en plaine le sait bien. La réaction des passants lorsqu’on déboule, précédé par le son inimitable du tac-rac de nos bâtons heurtant le bitume, est toujours la même.

Un sourire, une phase de contemplation qu’on devine interrogative, puis l’éternelle question : « y a de la neige ? ». On aime l’humour dans la vallée.

Le ski-roue reste cette chose étrange qui intrigue. Et pour cause. Il y a tellement peu de pratiquants en France que personne n’a pris la peine de les recenser.

Il est vrai que pour le ski-rouleur, cela apporte à la fois la sensation d’appartenir à une caste d’initiés, mais également le plaisir de voir les réactions des enfants qui découvrent ce sport pour la première fois.

On peut cependant s’interroger sur les raisons de ce manque de progression d’un sport qui s’inscrit pourtant complètement dans les problématiques actuelles. Il n’aura échappé à personne que le temps n’est plus à la neige et au froid. Les stations ouvrent de plus en plus tard quand elles ne sont pas en train de préparer l’après neige considérant que le temps des remontées mécaniques et des pistes damées est déjà compté.

Bien sûr, il y a fort à parier que le jour où cela arrivera, la plupart des pratiquants de ski de fond se réorienteront vers le ski-roue. Mais pourquoi attendre ?

Outre les bienfaits que ce sport apporte, c’est aussi une activité qui ne nécessite pas la création de pistes particulières, qui permet de recycler ses chaussures de ski de fond si vous en possédez, et dont le matériel ne nécessite pas de changement régulier pour progresser.

Sauf accident, vous pouvez conserver la même paire pendant de longues années. Vous aurez éventuellement à changer les roues, mais pas avant plusieurs années même avec une pratique régulière.

Alors pourquoi ne croise-t-on personne sur des ski-roues ? Pourquoi les quelques compétitions peinent-elles tant à se maintenir faute de participants ? 

1. La concurrence avec le roller en ligne

 

La facilité consiste à regarder du côté de la concurrence directe. En effet, pour le néophyte, la différence entre le ski-roue et le roller ne tient qu’à la longueur de la platine. Faux ! Ces deux sports n’ont rien à voir.

Encore une fois, le ski-roue est beaucoup plus proche en pratique du ski de fond que du roller. C’est ainsi qu’il a été pensé, et c’est flagrant lorsqu’on connaît les deux sports.

Pourquoi les fabricants de roller n’investissent pas dans le ski-roue ? Nous n’avons pas leur réponse à cette question, mais elle paraît évidente.

Tout d’abord, le marché ne représente pas encore une base suffisante pour des investissements. En outre, il n’y a pas beaucoup d’économies d’échelle possible tant les matériels diffèrent. Les platines sont très différentes, les fixations sont celles du ski de fond, et même les roues sont constituées différemment.

Il faut noter cependant la tentative de Décathlon qui cherche à développer ce sport. Après avoir sorti une gamme de ski-roues à un prix très attractif, la marque du nord interroge aujourd’hui les pratiquants. Comme nous le relayions récemment, Décathlon a lancé une enquête auprès des ski-rouleurs pour en savoir plus sur leur pratique et leurs attentes. Mais Décathlon seule n’a pas vocation à développer un sport.

2. Un manque de couverture médiatique

 
C’est vrai. En dehors de la compétition organisée par Martin Fourcade sur les bords du lac d’Annecy, qui bénéficie d’une belle couverture médiatique, et de la presse régionale montagnarde, il est extrêmement rare de voir des articles aborder le sujet du ski-roue.

On peut d’ailleurs noter que, dans le pays qui compte le plus de titres de presse par habitant au monde, il n’existe aucune parution dédiée au ski-roue.

3. Un problème de représentation

 
Voilà le cœur du problème. Nous l’avions déjà évoqué dans un article précédent, et cela valait le coup de développer. Comme nous l’avons déjà expliqué, le ski-roue est entré dans le giron de la puissante Fédération Française de Ski. Pourquoi, comment, nous n’en savons rien. Ce qui nous importe aujourd’hui ce sont les conséquences de cette situation.

Il faut rappeler que le rôle d’une fédération sportive n’est pas que d’organiser les compétitions. C’est aussi d’œuvrer au développement et au rayonnement de son ou ses sports, et de ses sportifs. Or à l’évidence, l’objectif de la FFS est de développer le ski (tant qu’il y a de la neige).

Du coup, le ski-roue n’est pas une priorité.

Mais au-delà de ça, le rôle de la Fédération est aussi de garantir la pratique à travers les certifications de ses formateurs. Et c’est là qu’est, à notre avis, le plus gros problème. En effet, pour enseigner le ski-roue, il faut disposer aujourd’hui d’un diplôme de moniteur de ski ! En toute mauvaise foi, c’est un peu comme si on demandait à un professeur de foot d’être expert en Football américain pour entrainer.

La conséquence principale de cette situation absurde, c’est que cela empêche le développement du ski-roue en plaine où l’on trouve très peu de moniteurs de ski, évidemment. Du coup, peu de clubs peuvent proposer une activité de formation. Or c’est la principale demande que nous, site spécialisé dans le ski-roue, recevons de la part des néophytes.

La seule solution, pour quiconque habite loin des montagnes et souhaite découvrir le ski-roue, ce sont les tuto Youtube. Un peu léger, franchement.

Cette situation est dommageable pour tout le monde. Pour les pratiquants d’abord, forcés de pratiquer seuls dans leur coin. Pour les fabricants ensuite, qui ne trouvent pas de clientèle suffisante pour prospérer.

Le ski-roue mériterait donc d’avoir sa propre fédération pour assurer son développement.